L'intention
Cher(e)s ami(e)s et collègues graveur(s), chers amateurs d'art. Le 4 août 2020, nous avons tous découvert avec effroi les images des deux explosions qui ont ravagé la ville de Beyrouth, alors que le pays était déjà en proie à une terrible récession depuis 2018 et frappé de plein fouet par la pire crise économique, sociale et de gouvernance de son histoire… Dans ce dramatique contexte, où l’essentiel devient inabordable et où le quotidien est une lutte, un atelier de gravure en activité peut apparaître comme une utopie, voire un mirage… Le Beirut Printmaking Studio, fondé par l’artiste Tarek Mourad, a tout d’une oasis ! C’est un lieu d’apprentissage de la plupart des techniques de gravure, mais aussi de la débrouille, hissée – plus que partout ailleurs – au statut de sacerdoce ! Situé dans une région du monde où la culture de la gravure est loin d’être prédominante, cet atelier est un modèle du genre. Le métier, autant que l’esprit de la gravure, s’y exerce pleinement, fédérant une joyeuse communauté d’artistes polyvalents et inventifs ! Les presses, les rouleaux de lithographie, et tout ce qui ne peut se trouver sur place ont dû être construits, pièce par pièce... Les pierres de lithographie ramenées de Syrie ou d’Irak ! Mais, malgré la motivation, certaines choses sont devenues inaccessibles ou simplement introuvables. Il s’agit principalement de petit matériel comme certains outils ou matériels consommables (dont la tarlatane, si banale ici, mais inexistante au Liban). Cependant, les besoins matériels ne sont pas les seules préoccupations de cet atelier ouvert à tous. Il faut lutter contre le découragement ambiant et le moral en berne, la dépression qui touche beaucoup d’artistes. Il y a un besoin urgent de réenchantement ! En tant que graveurs, et surtout étant amenés à voyager dans le cadre du travail ou d’échanger via les réseaux sociaux, nous avons réalisé que la gravure est un langage universel qui fédère et rassemble instantanément, indépendamment de la langue, de la culture, de la religion. On peut parler de la « famille des graveurs », toujours prête à collaborer, à échanger et à partager. Cela s’est vérifié une fois de plus au moment de lancer cet appel à la solidarité, avec un premier événement qui a eu lieu à la Journée de l’estampe à Paris. Cette action a remporté un franc succès, aussi bien en termes d’engouement du public – se concrétisant par de nombreuses ventes – qu’en termes de solidarité manifestée par les artistes qui ont généreusement déposé une œuvre ou plus. Nous tablions sur une cinquantaine de gravures, nous en avons reçu environ le triple, et elles continuent de nous parvenir ! Quelques œuvres ont déjà été vendues également via le site créé pour l’occasion. Cet élan dépasse la simple collecte de fonds, bien sûr nécessaire pour pérenniser un lieu et encourager un magnifique projet qui semble ne pas avoir d’équivalent au Liban. Il apporte aussi et surtout un réconfort et un soutien psychologique à ces artistes qui se sentent isolés, en leur faisant retrouver l’envie de faire vivre ce fabuleux médium qu’est la gravure. D’autres projets sont à l’étude, en collaboration avec le Beirut Printmaking Studio et la galerie Artlab à Beyrouth, et verront le jour à la suite de cette action, avec toujours cette même envie et cet objectif de jeter des ponts entre les lieux de la gravure et les artistes d’ici et de là-bas. D’avance, nous vous remercions pour votre soutien. Sabine Delahaut et Jean-Michel Uyttersprot |
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